L’hypnose, une approche centrée sur la personne

L’hypnose, une approche centrée sur la personne

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Le concept d’approche centrée sur la personne a été élaboré par un psychologue américain, Carl Rogers au début des années 40. Ca ne date pas d’hier et aujourd’hui, cette approche constitue plus ou moins une norme dans les métiers de la relation d’aide.

Qu’est-ce que ça veut dire, une approche centrée sur la personne? Dans les grandes lignes, il s’agit de non-directivité, par opposition à la méthode plus classique, centrée sur le thérapeute et ses recommandations.

A première vue, cela semble paradoxal voire absurde de consulter une personne qui ne sait rien et ne propose rien. Prenons donc le temps d’y regarder d’un peu plus prés, pour détailler un peu les principes de cette approche et comprendre comment elle s’intégre dans une pratique non-directive de l’hypnose.

Cette approche permissive de l’hypnose a été largement documentée par les travaux de Milton Erickson psychiatre américain et directeur de recherches sur l’hypnose à l’université de Phoenix.

Je présente deux personnages importants pour situer un peu les choses mais leurs travaux ont été repris et critiqués, améliorés et complétés par plusieurs générations de chercheurs et de thérapeutes.

Le débat entre les approches directives et permissives est encore actif aujourd’hui. Les contradictions portent généralement sur la recherche d’un point d’équilibre. Les différentes approches de l’hypnose sont le fruits d’une réflexion et d’une expérience collective sur le long terme.

Hypnose directive:

Pour parler d’approche permissive, on peut commencer par énumérer ce qu’elle n’est pas. Partons d’une caricature bien connue, l’hypnotiseur de spectacle. Dans ce contexte, on est clairement dans un rapport d’autorité et d’obéissance, plus ou moins consentie. Disons qu’il y a un consentement implicite. La personne volontaire monte sur scène sans vraiment savoir ce qu’elle accepte.

L’hypnotiseur donne des ordres, la personne exécute, c’est simple et spectaculaire. Le spectacle est centré sur l’hypnotiseur. Personne ne s’intéresse au sujet, personne ne se demande si cette personne présente des contre-indications, si elle est porteuse de traumatismes qui pourraient être réactivés pendant ou prés l’hypnose, personne ne se demande si la personne est bien réveillée après le spectacle ou si elle a bien vécu l’expérience ou si elle a simulé à cause de la pression sociale. Et en fait, on ne veut surtout pas le savoir.

On pourrait se dire que cette application de l’hypnose ne concerne que le monde du spectacle et j’aimerais que ce soit le cas. Force est de constater qu’il y a un certain nombre d’hypnothérapeutes qui appliquent les mêmes principes dans la relation d’aide.

Il y a une idée fausse mais persistante dans le monde de l’hypnose: Le fait d’être très hypnotisable rendrait les séances plus efficaces. Si la personne réagit instantanément à l’injonction de se prendre pour une poule, alors elle sera aussi coopérative pour arrêter de fumer. L’hypnose rendrait plus réceptif aux suggestions de changement.

Ajoutez à ça deux ou trois problèmes d’ego et vous obtenez un hypnotiseur convaincu de sa toute-puissance, qui va multiplier les effets scéniques et prendre le contrôle de l’expérience, donc de la personne.

On me répondra que les techniques de manipulation mentales sont bénéfiques parce qu’elles partent d’une bonne intention. A ceci, je répondrai que l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Encore une fois, il s’agit d’une caricature qui n’existe que de manière très marginale. Mais les conséquences peuvent être sérieuses. Ce n’est jamais sain de se laisser contrôler et la notion de consentement reste quelque chose d’assez abstrait dans le contexte d’une séance d’hypnose. D’ailleurs beaucoup de méthode d’hypnotisation fonctionnent sur la base du yes-set ou séquence d’acceptation. On vous fait approuver un certain nombre de choses sans conséquences pour vous en faire accepter d’autres par la suite. On ne sait jamais vraiment à quoi on dit oui et quand on est dans une situation de vulnérabilité, on peut avoir tendance à accepter plus de choses qu’en temps normal.

Pour conclure sur ce sujet , je vous laisse imaginer le cocktail qu’on obtient avec une personne vulnérable et le sentiment de toute-puissance d’un thérapeute en position d’autorité. C’est un cocktail qu’il faut consommer avec beaucoup de modération.

L’hypnose et l’approche centrée sur la personne

J’ai parlé plus haut du docteur Erickson. Son nom est devenue une marque commerciale après sa mort mais les principes qu’il a développé sont toujours d’actualité. Une des premières choses que j’ai appris lors de ma première formation en hypnose ericksonienne, c’est le principe de permissivité. L’hypnose doit permettre, doit le sens de favoriser et aussi d’autoriser. C’était logique dans le cadre de la psychiatrie à son époque, que le thérapeute soit en position de donner des autorisations. Aujourd’hui, on va plutôt dire que c’est le contexte qui vous donne les autorisations dont vous avez besoin. Ca peut être vous autoriser à vous exprimer librement, à pleurer, mais aussi à vous contredire… L’être humain est extraordinairement complexe et parfois on a besoin de pouvoir s’autoriser les choses.

Dans cette approche, il est essentiellement question d’écoute. L’écoute a des vertus thérapeutiques en elle-même, mais encore faut-il avoir quelqu’un qui vous écoute vraiment. Ecouter n’est pas entendre et réfléchir à ce qu’on va répondre. La véritable écoute n’implique pas toujours de répondre à ce qu’on nous dit. Il s’agit avant tout de répondre à des besoins fondamentaux, et mêmes vitaux qui peuvent limiter les résultat d’un travail hypnotique s’ils ne sont pas pris en compte.

Ces besoins sont le besoin d’attention et le besoin d’être compris. Quand on parle d’attention, chez Rogers, on ne fait pas référence à la recherche d’attention des réseaux sociaux, mais d’une attention humain pleine et entière. Une attention authentique liée à une qualité d’écoute et de présence qui ne laisse rien au hasard. Cela s’apprend et se travaille. Il ne suffit pas d’être présent dans la pièce.

L’attention totale du thérapeute est associée à l’accueil inconditionnel -savoir écouter et accepter la personne sans conditions- et à l’attitude de non-jugement qui permettent à la personne de s’exprimer librement dans un climat de sécurité. C’est de cette façon que les personnes peuvent trouver leurs propres réponses face aux questions qui les préoccupent. Ces réponses peuvent être logiques ou rationnelles mais le plus souvent, il s’agit de choses plus profondes et difficiles à décrire: un déclic, une prise de conscience, un élan vital qui permet d’agir… C’est variable selon les personnes.

Cette attitude d’ouverture envers la personne concerne l’entretien de début de séance ou détermination d’objectif mais aussi-et surtout- l’expérience hypnotique proprement dite.

Dans une approche permissive de l’hypnose, la personne entre dans l’expérience à son rythme et l’hypnotiste s’adapte en permanence, il ne force pas la personne à faire quoi que ce soit. C’est un jeu subtil qui consiste à suivre et diriger la personne en restituant ses paroles, éventuellement sous forme de symboles ou d’images, mais en aucun cas on ne va imposer nos croyances ou notre vision des choses. Cette approche est possible grâce à la confiance inconditionnelle que l’hypnothérapeute place dans les capacités de résilience des personnes. Une confiance crée et renforcée par l’expérience de voir des gens évaluer, avancer à partir de leurs propres réponses, à partir de leurs ressources internes.

Pour conclure ce tour d’horizon de l’approche centrée sur la personne, on peut dire que l’hypnose contemporaine, celle qui est pratiquée aujourd’hui, s’oppose radicalement à la vielle hypnose autoritaire dans le sens où l’hypnothérapeute n’a aucun pouvoir, si ce n’est de donner du pouvoir aux personnes.

Merci de votre attention

Emmanuel Winter 0682150905

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